La lunule en or et la Stâle des gattes
Si nous continuons notre voyage dans le temps sur les traces de nos lointains ancêtres, nous allons rencontrer une autre civilisation préhistorique, la culture campaniforme. Elle était caractérisée par des gobelets de céramique en forme de cloche, qui étaient enterrés avec les morts dans les sépultures.
Cette civilisation s’est répandue sur tout l’Ouest du continent, de l’Espagne à l’Angleterre, en passant par la Bretagne et nos régions, entre 2900 et 1900 ans avant notre ère.
Or, l’objet qui nous intéresse aujourd’hui, sans doute l’un des plus beaux qui ait été retrouvé dans notre commune, est la lunule de Fauvillers.
Il s’agit d’un bijou en or d’un diamètre de 19.1 cm.
Il a été découvert à un mètre sous terre, en 1878, au lieu-dit « la Stâle des gattes » ou le Rocher des chèvres ».
Il est, depuis, la propriété des Musées Royaux d’Art et d’Histoire, au Cinquantenaire à Bruxelles où il est exposé.
La lunule est un collier en métal aux extrémités en forme de tampon sphérique (ou torque) et doit son nom à sa forme.
Le mot lunule vient du latin « lunula », qui signifie un petit ornement en forme de petit croissant, diminutif de « luna » qui signifie « la lune ».
Cette pièce magnifique daterait de 1800 à 1600 avant J-C; la même époque où est entreprise la phase finale des travaux sur le site de Stonehenge, en Angleterre.
Elle est similaire à d’autres lunules retrouvées en Bretagne et à un torque découvert quelques années plus tard à Arlon, non des sources de la Semois.
D’après Marcel Desittere, de l’Université de Gand, la lunule de Fauvillers serait donc la preuve qu’une civilisation postérieure à la culture campaniforme, peut-être le groupe de la Véluwe présent en Flandres aurait maintenu les contacts avec la Bretagne et les îles britanniques à cette époque.
La lunule serait à rapprocher également d’une boucle d’oreille en or, de la même époque et découverte à Sinsin (Somme-Leuze).
La Stâle des gattes, entre histoire et légende
Le lieu-dit, la Stâle des gattes, se trouve à Fauvillers, à deux pas du gué d’Helbru, le long d’un ruisseau, Hodgegrund, affluent de la Baseille (Bas Oeil, dans les anciennes formes). Il est souvent décrit comme un rocher, séparé du flanc de la colline, comme si une épée de géant l’avait coupé en deux.
Il est difficile de savoir si cette coupure dans la roche est artificielle ou naturelle. Elle est en tout cas alignée sur un axe nord-sud et pourrait, même si son origine est naturelle, avoir été prisée comme lieu de culte pour cette raison. Mais sans fouille systématique, cela ne reste qu’une hypothèse.
Situé le long du ruisseau, le Rocher des Chèvres évoque le lieu où l’on menait paître le troupeau.
Pourtant, son nom wallon « la stâle » évoque lui, l’écurie à moins qu’il ne s’agisse d’une déformation du mot stèle, utilisé pour désigner le rocher.
Voilà alors l’imagination qui s’enflamme et cet endroit devient, dans la mémoire des gens du village, un lieu légendaire, celui de l’écurie des chèvres en or.
Les légendes de l’Ardenne comptent de nombreux récits de chèvres en or (comme à Grimbiémont, Salm, Arlon, Hampteau ou encore Comblain-au-Pont).
Que Fauvillers ait la chance d’accueillir l’écurie aux chèvre en or n’est donc pas anodin et pourrait confirmer l’importance du lieu pour la région, lieu qui semble inscrit dans la mémoire collective.
Une découverte polémique
En 2012, l’Histoire culturelle de la Wallonne jetait un pavé dans la mare: et si les découvertes d’Arlon et de Fauvillers, uniques en leur genre n’étaient pas authentiques?
Sans remettre en cause la datation des objets découverts, les auteurs, à la suite d’Eugène Warmenbol en 2004, se demandent si la lunule et le torque n’auraient pas été importés de Bretagne au début du XXème siècle par le baron de Loë pour faire croire à une découverte majeure qui aurait confimé son étymologie du nom d’Arlon, basé sur la présence d’or dans la ville… le torque tombait donc à point nommé.
Plusieurs remarques, cela dit
Dans « Les premiers ors de France« , de Christiane Eluère, en 1976, la lunule de Fauvillers et le torque d’Arlon sont cités en exemple comme des éléments proches des objets trouvés en Bretagne mais également différents puisque plus légers…
L’identité n’est donc pas complète.
Ensuite, si le but du baron de Loë avait été de mettre Arlon en valeur et si les découvertes ont été « fabriquées », pourquoi placer le plus beau des deux objets à Fauvillers?
En toute logique, il l’aurait réservé pour Arlon.
En effet, en 1907, le baron affirme bien que l’objet se trouve depuis trente ans dans les collections de l’Etat.
Si la découverte avait été fabriquée au début du XXème siècle, cette affirmation aurait été facilement battue en brèche par ses contemporains.
Enfin, les habitants de Fauvillers ont toujours gardé en mémoire une découverte dans la deuxième moitié du XIXème siècle, au lieu-dit « la Stâle des gattes », sans jamais se soucier d’une éventuelle polémique.
Pour le CHAHS, Roger Kauffmann, Hans Welens et Nicolas Stilmant