La fontaine Sainte Marguerite

C’est en faisant des travaux de nivellement et de drainage dans la pâture derrière sa maison (l’actuelle « Ferme Simon » que Mr Urbain, alors greffier de la Justice de Paix, déblaya début 1871 un hypocauste bien conservé ainsi qu’une cave au fond de laquelle s’ouvrait à 4m de profondeur un aqueduc souterrain et creusé dans le rocher!

Les fouilles de la superbe métaire que fut au 2ème siècle la « Villa Hannebour » n’est toutefois pas le sujet de cet article mais bien l’aqueduc mis à jour à cette occasion.

L’abbé Césaire Sulbout, curé de Strainchamps croyait que cet aqueduc dont les dimensions étaient de 1.60m de hauteur sur 60cm de largeur captait l’eau de la Fontaine Sainte-Marguerite, à 1.5 km au Nord-Ouest du village de Fauvillers et à 20m au-dessus niveau de la villa.

Victor Balter et Charles Dubois considéraient que la thèse du Sulbout était insoutenable parce que, pour amener l’eau de la source à la Villa, les romains auraient dû loger leurs conduits par endroits à 8m de profondeur.

Déjà du temps de Sulbout, l’aqueduc était « tout à fait obstrué par un limon d’une finesse extrême ».

Il se posait déjà la question: « Pourquoi les habitants de ce lieu ont-ils mis cette source sous la protection de leur patronne?

Probablement parce que cette fontaine entretenait encore au 12ème siècle des relations utiles avec eux au moyen de l’aqueduc ».

Il se posait déjà la question: « Pourquoi les habitants de ce lieu ont-ils mis cette source sous la protection de leur patronne?

Probablement parce que cette fontaine entretenait encore au 12ème siècle des relations utiles avec eux au moyen de l’aqueduc ».

On peut en effet s’interroger: pourquoi cette source est-elle connue sous le nom de Fontaine Sainte-Marguerite. En général, quand une source est appelée « fontaine » cela sous-entend un aménagement, une intervention humaine.

Ici, nous n’en n’avons pas encore retrouvé de trace, ni sur le terrain, ni dans des documents sauf dans le récit de l’abbé Sulbout. Toutefois, le lien entre cette source et la sainte patronne reste interpellant.

La paroisse de Fauvillers est mentionnée pour la première fois en 1263. On ne sait pas quand elle aurait été créée, ni sous quel vocable.

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Sainte Marguerite (Kunsthistorisches Museum) , Giulio Romano

Le culte de Sainte Marguerite ne semble guère remonter qu’aux temps des croisades.

Cette bergère, fille d’un prêtre païen et originaire d’Antioche en Asie Mineure au 3ème siècle, fut emprisonnée, torturée, mangée par un dragon du ventre duquel elle s’échappa en l’incisant à l’aide de son pendentif en forme de croix; elle fut à nouveau torturée et décapitée.

Sainte Marguerite est invoquée par les femmes enceintes contre les délivrances difficiles. Elle est la sainte patronne des sages-femmes.

Lorsque l’église actuelle de Fauvillers fut construite en 1877, elle fut dédiée au Sacré-Coeur, culte très en vogue à cette époque.

Néanmoins, la première mention de la « paroisse du Sacré-Coeur » n’est reprise que sur le registre de baptême de 1965!

Dans son livre « L’Ardenne antique, les dieux déchus », Jean-Luc Duvivier de Fortemps trace le lien entre la déesse celte Arduina et la romaine Diane.

Elle n’était pas juste « une divinité des forêts, de la nature sauvage et de la chasse » mais « elle protégeait également les jeunes filles, sanctifiait la procréation (…) d’où son rapport avec la fécondité humaine, les accouchements et partant de là, l’eau, source de vie et de santé ».

Il est plus que tentant de continuer la lignée d’Arduina et de Diane jusqu’à Sainte-Marguerite.

J’oserai donc postuler que notre Fontaine Sainte-Marguerite est le résultat de la christianisation d’une source dédiée à Diane, voire à Arduina.

On pourrait s’imaginer qu’elle fut la destination d’une procession, comme par exemple La Fontaine de la Bonne Dame à Lavacherie (Sainte-Ode) bien que nous n’en ayons pas encore retrouvé de trace.

Emile Tandel reprend un extrait de la notice de M. Pierrard alors instituteur communal à Fauvillers (1877) qui dit que:

« Au temps de la batte, gardien de chevaux, berger, bouvier, vacher, chevrier et porcher communs se réunissaient chaque jour pour la sieste et l’on cite comme un des points de réunion l’endroit dit Fontaine Sainte-Marguerite où se trouve un hêtre colossal ». Le chêne actuel aurait-il remplacé le hêtre de 1877?

Dans le but de préserver le site et de la mettre en valeur, le Cercle d’Histoire et d’Archéologie de la Haute-Sûre a conclu un bail emphythéotique avec la commune de Fauvillers.

La source, jadis intarissable est aujourd’hui très dépendante du niveau de la nappe phréatique. Après un long hiver plein de neige, elle peut jaillir à 6 ou 7 endroits dont seulement 2 sont quasi permanents. Après une longue sécheresse, même ceux-là se tarissent.

Avant tout projet de fouilles éventuel, il s’agira de prendre quelques mesures conservatoires, plutôt en lien avec l’aspect environnemental du site.

En plaçant sa clôture sur la vraie limite, entre sa propriété et le domaine privé de la commune, le propriétaire et/ou le locataire de la prairie avoisinante pourra empêcher que les animaux ne continuent à piétiner les berges du ruisseau alimenté par la source.

En échange, les occupants de ladite prairie recevront un abreuvoir à leur disposition.

Idéalement, le plateau artificiel (qui sert régulièrement de dépôt de bois voire de déchets de construction ou de travaux routiers) devra être diminué d’au moins un mètre afin de permettre au ruisseau de reprendre son lit d’origine et à la végétation  de se rétablir.

Sur le dessus, des plantations vives indiqueront jusqu’où va l’aire de dépôt. Il va falloir empêcher que l’on continue à pousser des gravats dans le talus.

La petite mare  devra être curée régulièrement afin d’éviter qu’elle se transforme en terre mouvante. Elle est par ailleurs bien fréquentée par les tritons.

En bord de route, un panneau didactique présentera le site aux passants voire aux pèlerins qui vont peut-être retrouver le chemin vers la Fontaine Sainte-Marguerite…

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