Au temps des villas romaines

Nous devons beaucoup à nos ancêtres romains. Nous connaissons toutes et tous l’histoire de la conquête de la Gaule par Jules César; elle appartient à notre mémoire collective. Et nous retenons qu’il avait dit:  « De tous les peuples de la Gaule, ce sont les Belges les plus braves ».

Il s’en expliquait ainsi: « étant plus éloignés de la civilisation (romaine), ils n’étaient pas affaiblis par les facilités qu’elle pouvait offrir; et de plus, voisins des Germains avec lesquels ils étaient continuellement en guerre, c’était des guerriers redoutables ».

En effet, à cette époque, la Gaule belgique s’étendait du Rhin jusqu’à la Seine et la Marne. Elle était aussi bordée par la forêt d’Ardenne, considérée comme interminable et imprenable.

Pour souligner le courage de ses troupes et la dangerosité de ses adversaires, César évoque les « chemins incertains et occultes de cette forêt », véritable guet-apens pour les légions romaines et refuge efficace pour les Gaulois.

La Gaule était un territoire plus grand que la France.

Voies romaines, Revue archéologique de Picardie, N° spécial 17 - 1999

Elle était peuplée par des millions de Celtes, Belges et Aquitains; peut-être même une dizaine. Les Romains installés en Gaule n’étaient, eux que quelques centaines de milliers.

Pour administrer cet immense territoire, ils vont construire un réseau de routes, de forts et de domaines .

Rappelons qu’une grande partie de l’Ardenne appartenait à la très prospère « Civitas » des Trévires avec comme chef-lieu « Augusta Trevorum » autrement dit Trèves.

Les premières voies romaines, véritables « autoroutes » de l’époque pour ce territoire sauvage: la Reims-Trèves, la Tongres-Metz et encore la Reims-Cologne.

De nombreux vestiges antiquent jonchent encore les abords de ces chaussées disparues comme en témoigne la récente découverte à Warnach.

Nous sommes les héritiers de la cohabitation de ces deux populations et de bien d’autres encore qui s’installeront par la suite sur notre territoire, notamment les populations germaniques.

La langue que nous parlons encore aujourd’hui, le français est dérivé du latin. Petit à petit, en deux millénaires, la langue que parlait les Romains a évolué, s’est métissée au contact du Gaulois et du langage des Francs.

Nous retrouvons les traces de notre héritage latin en de nombreux endroits de notre commune qui était traversée par la voie reliant Arlon à Tongres, un des axes de communication importants à l’époque.

Cette voie  romaine était protégée par des ouvrages de défense comme la tour romaine du Rang sur le vicus de Warnach, le long de  la voie romaine.

Elle était également jalonnée de domaines agricoles, les villa rustica qui ont donné leur  nom à certains de nos villages.

L’étonnante concentration de villas romaines dans notre région vient du fait de son appartenance au bassin de la Moselle et donc des voies de pénétration par cours d’eau à partir de la ville impériale de Trêves et sans oublier la proximité d’Arlon, une des premières villes romaines du pays.

Les villas étaient d’importants domaines agricoles, organisés autour d’une grande habitation centrale, souvent richement décorée, celle du maître qui donnait son nom au domaine. Le travail des champs étaient assurés par les ouvriers agricoles, soit des paysans pauvres soit des esclaves qui accomplissaient toutes les tâches les plus difficiles.

La villa de Mageroy, à Habay, est un bon exemple de ce à quoi pouvaient ressembler ces domaines.

Dans notre commune, la villa la plus importante était sans doute celle du Hahnebour, située à Fauvillers à l’arrière de la ferme Simon. Elle a été fouillée en 1872 par son propriétaire, M. Urbain qui avait reçu 500 frs pour effectuer ses recherches.

Sur place, il retrouve des briques, des tuiles, des débris de poterie, un morceau d’amphore, un manche de poignard, un strigile en laiton, divers morceaux de cuivre et d’argent et surtout une statuette en grès jaune de la déesse Fortune.

Des statuettes similaires, munies d’une corne d’abondance ont été découvertes à Tongres et témoignent d’un culte dans nos régions de la Déesse Fortune, déesse du hasard et de la chance.

Les fouilles , notamment de l’abbé Sulbout ont également mis en évidence la présence d’un aqueduc enterré, qui provenait sans doute de  la fontaine Sainte-Marguerite et qui alimentait le domaine.

Cet élément tend à prouver que la villa devait être étendue et que ses besoins en eau, liés peut-être à l’élevage étaient importants.

Aux IV et Vème siècle, quand les peuples germaniques commencent à s’installer en bordure puis à l’intérieur de l’empire romain, certains colons venus de l’autre côté du Rhin reprennent les domaines tenus autrefois par les Romains. Ce sont souvent eux qui ont fondé les villages qui gardent encore aujourd’hui leur nom.

Ainsi, selon les  étymologies, Honville est la villa d’un colon germanique prénommé Huno et Fauvillers, celle d’un colon du nom de Feido ou Feito. Pour Fauvillers, une autre hypothèse est avancée: le nom du village viendrait du latin « fagus » signifiant « hêtre »; donc « la villa du hêtre ».

Parfois, le mot villa a disparu laissant place à un terme d’origine germanique -ING- signifiant « habitation, demeure » et qui évoluera en -ANGE-. Ainsi, Tintange serait le domaine d’un certain Tinto, Bodange celui de Bodo (de « biev » , « buv » qui désigne la vache); un surnom qui désignerait le propriétaire d’un élevage?

Ainsi, Radelange serait le domaine de Rado ou Redo, Martelange le domaine de Martilius ou un domaine rattaché à Saint Martin.

Les anciens domaines romains récupérés par les Francs sont devenus plus tard les domaines mérovingiens dans lesquels se sont « coulés » les domaines paroissiaux; ainsi le cas de Sainlez dont le nom initial était Villa Sinlaris (la villa de Sinlare) et qui fût le lieu d’implantation de la première « église-mère » sur l’actuel territoire de la commune de Fauvillers au tout début du 9ème siècle.

Nous le voyons, les noms propres qui nous sont aujourd’hui familiers ont une histoire et témoignent du passé de notre région.

Pour le CHAHS, Roger Kauffmann, Hans Welens et Nicolas Stilmant.

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